Un bus de nuit nous conduit de Trujillo à Chachapoyas. La dernière partie de la route est un peu infernale : nombreux virages en épingle et quelques passages sans revêtement pour cause de travaux. Je pense à attacher ma tête au siège avec une corde pour qu’elle arrête de balancer. Marta me dit qu’un coussin de cou serait plus confortable.
Nous arrivons à 5h30 du matin, pas le plus pratique, mais on avait pas le choix : seul Movil Tours fait Trujillo-Chachapoyas et il n’y a qu’un horaire.
Quelques centaines de mètres et nous arrivons à la ‘Place d’Armes’ (ici la plupart des villes ont une ‘Place d’Armes’ qui constitue le centre du centre ville), et ses palmiers à 2300m d’altitude. A côté se trouve notre hotel « Kuléap Hotel ». La chambre étant déjà libre et prête, ils nous laissent nous installer. Malheureusement, les toilettes-douches communes sont vraiment trop sales pour y prendre une douche. Nous attendrons le soir après que le ménage aura été fait. D’ailleurs pour un hôtel recommandé par le Lonely Planet et qui nous coûte exactement le même prix qu’à Huanchaco nous avons été très déçus : le ménage est rarement fait, la peinture a plus de dix ans et les matelas aussi.
Mais on est pas ici pour rester dans l’hôtel, nous faisons le tour des agences de la place d’armes. Toutes proposent les mêmes tours à des prix similaires. D’ailleurs souvent dans le minibus on trouve des clients de plusieurs agences car elles se groupent pour remplir les mini-bus.
A 8h30 nous partons donc pour une excursion à la journée à Kuléap. Trois heures de piste et 20 min de marche plus tard nous arrivons devant cette forteresse de 1000ans à peine en pire état que notre hôtel. A 3100m d’altitude et pas encore acclimatés on sent que le souffle nous manque un peu. Heureusement c’est de la visite culturelle, pas de la marche.
Dans notre groupe de 12 il y a nous deux, un allemand, et le reste sont des péruviens, dont un très sympathique mais qui n’arrête pas de parler et qui a demandé au moins 3 fois à chaque personne du groupe de le prendre en photo avec à chaque fois une pose ‘sérieuse’ pour la famille, une ‘beau gosse’ pour facebook, et une ‘foufou’ pour ses amis. Sans oublier le meilleur : étant un peu en retard sur le groupe, il a demandé à la guide de refaire le speech d’introduction devant sa caméra. Maintenant on sait qu’il existe des relous à l’autre bout de la terre.
Revenons à Kuélap pour le quart d’heure historique. Il s’agit d’un forteresse de pierres construite par les Chachapoyas aux alentours de 900 après JC. En témoignent les entrées stratégiques : de hautes et étroites ouvertures conduisant à un chemin en montée obligeant les envahisseurs à se présenter en file indienne. Cependant la forteresse ne dispose pas de ressources propres en eau, ni de grosses réserves de nourriture. C’est surtout sa position dominante qui lui permet d’avertir les autres villages en cas d’intrusion. Finalement tout cela ne leur a pas évité l’invasion Inca, qui a laissé une trace architecturale. En effet, les habitations Chachapoyennes sont de forme ronde (un peu du style Asterix et Obélix). Or il a été construit sur la forteresse deux bâtiments rectangulaires.
Nous verrons également le quartier religieux de la ville-forteresse, dont le fameux ‘tintero’ : un bâtiment rond aux murs en surplomb (afin de ne pas permettre l’accès à tout le monde), avec juste une ouverture au centre du toit connecté à une chambre en forme de bouteille.
Le lendemain, nous allons voir la cataracte de Gotca, la 3eme plus grande du monde. Mais ce classement porte à débat car la hauteur, 771m, a été mesurée au GPS. Quoiqu’il en soit ça reste une grande cascade (en fait ce sont deux cascades qui se suivent). Il y a 6km de marche qui se font en 2 ou 3h depuis le village de Cocachimba. On peut même louer un cheval, ce qui fait que dans le groupe a pu venir deux personnes âgées.
Notre guide, Telesforo, est le doyen des guides, il nous a raconté toute l’histoire :
Un couple Allemano-Chachapoyen est venu sonner chez lui et voulait aller voir la cataracte de Gotca. Il un peu retissant par rapport aux superstitions qui accompagnent cette cascade, entre autre la légende de la sirène : un chaman allait régulièrement à la cataracte. Un jour, son épouse trouve dans ses poches des bijoux de femme. Poussée par la suspicion, elle suit son mari jusqu’à la cataracte. Et là elle aperçoit une femme moitié humain, moitié poisson (une sirène, quoi). Mais Telesforo les emmène quand même. Le chemin emprunté est celui qui mène aux champs du village, c’est d’ailleurs assez impressionnant de voir des grands épis de maïs cultivé dans un champ à 45°. Ensuite il fallait suivre le lit de la rivière. Depuis un chemin plus pratique a été aménagé.
Ils reviendront quelques mois plus tard avec un journaliste de Lima pour mesurer la cascade. Telesforo s’imagine déjà tenir une corde graduée du haut de la cascade, mais l’Allemand pose sur la table un étrange appareil : un GPS. La cascade mesurée et la presse avertie, de plus en plus de visiteurs viennent voir la cascade. Réunion exceptionnelle au village : la cascade devenant mondialement connue, il va falloir s’organiser. Qui veut être guide ? Les 30 villageois présent lèvent la main. Finalement ils seront 15 au début, et 25 maintenant. Ce petit village oublié reçoit désormais la visite régulière des autorités de la région, et Telesforo a reçu une décoration. Un exemple de tourisme qui paraît bien géré et bénéfique pour les locaux.
La cascade se voit presque depuis le début du chemin, mais quand on arrive à ses pieds une ambiance particulière se dégage. Malgré que le lieu soit très encaissé, un étrange vent y souffle. D’un côté, une colline verdoyante s’appuie sur une gigantesque falaise sombre, de l’autre une rivière s’écoule tranquillement dans la jungle.
Seul bémol, un groupe de touriste péruviens repart en laissant derrière eux tous leur déchets. Telesforo m’explique que les guides passent une fois tous les 2 semaines pour nettoyer. En parlant avec d’autres péruviens ils me déconseillent de faire la moindre remarque, on va me répondre : « mais qui est-tu pour me dire ce que je dois faire ? » C’est bien dommage.